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Entretien avec Alain Olympie, Directeur de l’Afa Crohn RCH France

Dernière mise à jour : 22 sept. 2020

Alain Olympie est le directeur de l’Afa Crohn RCH France qui accompagne les personnes concernées, patients et leurs proches, par ce qu’on appelle les MICI. Ce sont des Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin (maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique). Le « C » se martèle comme un « K » de chronique car ces maladies sont celles de toute une vie. Ce sont 10 millions de personnes qui sont atteintes de ces maladies dans le monde, 3 millions en Europe et 250000 en France, plus de 10 000 cas tous les ans qui touchent le plus souvent des 12 à 30 ans. Parties essentiellement des pays dits « industrialisés », elles se développent désormais dans le monde entier. 








"Il faut communiquer vers et avec les patients"



Lucky Link : Bonjour Alain, quelles sont les objectifs de l’afa ?


Alain Olympie : Les actions et objectifs de l'association peuvent être exprimés avec cinq priorités. 


1. La recherche : L’objectif de toute personne malade c’est de guérir. Il nous faut collecter des fonds pour soutenir les meilleurs projets de recherche, tant fondamentale que clinique ! Parallèlement nous soutenons et menons nous-même des études pour mieux connaître l’impact de la maladie et améliorer la qualité de vie des patients en attendant de trouver le remède à leurs maux. 


2. L’information : Il est de notre devoir de proposer une information claire et validé par nos meilleurs médecins. Cela permet de faciliter le dialogue entre les différents protagonistes : médecin, famille, entourage amical et professionnel … et, surtout et avant tout, de favoriser un cheminement optimiste. Il est important pour tout le monde, patients et familles, d’en connaître le plus possible sur le mal qui les touche afin d’anticiper les changements et prévenir. 


3. Le soutien : Une maladie grave est toujours un facteur d’isolement. En d’autres termes les MICI ont un réel impact social et psychologique. L’objectif de l’association est d’apporter une écoute et un soutien neutre pour toutes les personnes concernées qui en auraient besoin. Aujourd’hui, nous intervenons aussi via le e-accompagnement sur notre plateforme MICI Connect ce qui permet de réduire les distance et de créer un « autre face à face ».


4. La communication : Une des caractéristiques des MICI est d’être particulièrement tabou. Elles concernent des endroits de notre corps qui ne sont pas des plus glamour (de la bouche à l’anus). Si la maladie se caractérise par une grande fatigue et des douleurs, les phases de poussée sont aussi accompagnées de diarrhées. C’est assez difficile d’en parler et de limiter la maladie à ces seuls symptômes. Il faut communiquer vers et avec les patients. Il est important de leur dire qu’ils ne sont pas seuls dans cette histoire. Il faut aussi communiquer avec les médecins. En effet, la maladie a évolué et les médecins sur le terrain n’ont pas nécessairement les nouvelles informations qui peuvent mener à des problématiques liées au diagnostic. Même s'il y a 250 000 malades vous avez 80 000 médecins généralistes, ce qui fait peu de malades suivis par un généraliste. Souvent, ils ont appris à l'école que les malades de Crohn avaient 30, 40 ans alors que depuis 10 ans ce sont les cas pédiatriques qui sont de plus en plus nombreux. La maladie a vraiment évolué, et cela peut retarder d’autant le diagnostic, et donc une perte de chance dans la prise en charge … et la qualité de vie.


5. Enfin, notre mission est de porter la voix des malades auprès des instances de santé et politiques. L’objectif est de se battre pour améliorer leur vie : parcours de soins, soins, qualité des soins, remboursement, amélioration des droits …Il faut se battre dans cet immense espace de la santé pour que nos malades aient accès aux meilleures conditions possible de reconnaissance et de prise en charge.



"Notre mission est de porter la voix des malades auprès des instances de santé et politiques."



Lucky Link : Comment parvenez-vous à identifier les besoins de ces patients chroniques ?


Alain Olympie :

- Les membres de l’association

L’afa c’est une force de 25 000 membres et sympathisants. Nos 330 bénévoles dont la plupart sont eux-mêmes malades sont autant de témoins du quotidien avec la maladie et font remonter les problématiques au sein du Conseil d’administration. 

- La ligne d’écoute et de soutien

« MICI info service » est gérée par une centaine de bénévoles formées qui reçoivent 20 000 appels par an. C’est un extraordinaire moyen pour identifier aussi les disparités régionales

- Les bruits de la toile

C’est un outil qui permet de veiller sur les discussions des malades sur les forums et de recevoir des alertes via des mots clés choisi ou quand un sujet est nouveau. C’est un moyen d’avoir une oreille en temps réel sur les préoccupations des malades et de proposer des réponses. 


- L’Observatoire des MICI Nous proposons ici des études (et leurs résultats) et avons mis en place des patients-témoins pour répondre à des sondages. Il y a aussi un outil pour déclarer des effets indésirables en lien avec le site officiel de déclaration de l’ANSM. Cela nous permet de recueillir des statistiques anonymisées et comprendre ce qui se passe avec certains traitements.



"Du jour au lendemain, ce n’est plus leur maladie le sujet principal mais une autre : la COVID-19."



Lucky Link : Qu’est ce qui a changé pour votre association ou pour les patients que vous représentez avec la crise COVID ?


Alain Olympie : Du jour au lendemain, ce n’est plus leur maladie le sujet principal mais une autre : la COVID-19. Et pire encore, leur maladie devient un facteur de risque. L’annonce et la mise en garde vis-à-vis du COVID a replacé des malades stabilisés dans un sentiment de maladie immédiat. En effet, leur traitement ou le simple fait d’être malade chronique en à fait des personnes à risque et donc concernées par les mesures d’isolement. Certains ont dû annoncer leur maladie à leur employeur avec des conséquences possibles pour la suite. 


Notre objectif est aujourd’hui d’éviter à nouveau le débat sur l’impossibilité, pour les malades chroniques, d’accéder à certains postes. C’est une bataille que l’on a menée durant des années. Embaucher une personne malade, pour une entreprise, c’est entendu comme un risque, de projet non abouti, d’absence … comme en ce moment. Il y a donc des métiers qui se montrent particulièrement excluant pour les malades. C’est le cas notamment pour les militaires mais de fait de plus en plus pour les métiers médicaux (il faut choisir son camps, soignant ou soigné !).

Lucky Link : Qu’est ce qui sera, selon vous, différent après cette crise sanitaire ?


Alain Olympie : Le contexte actuel a replacé l’association dans son rôle le plus essentiel : l’information. En effet, beaucoup de personnes ont eu besoin de démêler le vrai du faux et pour cela, ils se sont souvenus de notre existence et qu’on pouvait leur apporter des informations validées. Notre collaboration avec France Assos Santé nous a permis d'être force de proposition auprès des instances de santé par exemple pour la déclaration automatique d'arrêt de travail sur AMELI. 



"La voix des patients dans ce contexte de crise a été inaudible"



Lucky Link : Pouvez-vous nous nous dire quelques mots sur la démocratie sanitaire ?


Alain Olympie : La voix des patients dans ce contexte de crise a été inaudible, on a eu clairement une mainmise du pouvoir médical. On parlait des morts, mais pas des vivants, ni de leurs droits. Durant les premières semaines de la crise sanitaire, aucune association n’a réussi à se faire entendre, puis avec France Assos Santé qui représente 85 associations, nous avons pu enfin nous faire entendre et être reconnus comme interlocuteur. Il a fallu attendre le mois d’avril pour que les associations apparaissent dans les remerciements des uns et des autres politiques … puis Il a fallu encore revendiquer une place dans le Ségur de la santé … 



Il faut que le patient soit intégré comme un « co-soignant »


Lucky Link : Lucky Link valorise l’expertise santé des patients et des associations patients. Sur quels aspects pensez-vous qu’il y a encore besoin de progresser sur l’intégration de la voix de ces patients ?


Alain Olympie : S’il y a bien un changement de l’on veut voir opérer, c’est celui des mentalités médicales. Il faut que le patient soit intégré comme un « co-soignant ». Dans la démarche de soin, on fonctionne en équipe. Le patient ne doit plus être au centre entouré d’experts mais avec les experts dans une stratégie de meilleurs soins et de qualité de vie. 


"Il faut que tous les acteurs de santé soient consultés. Il faut repenser la santé dans sa globalité"

Lucky Link : Quel regard portez-vous sur la collaboration entre les différents acteurs de santé ?


Alain Olympie : J’ai posé la question à Agnès Buzyn lorsqu’elle était ministre : quand est-ce que vous mettez autour de la table tous les acteurs de la santé y compris les laboratoires pharmaceutiques, les médecins, tous les soignants, les pharmaciens, les associations de patients, les instances de santé, l'ANSM, le ministère, les fonctionnaires de la santé, les hôpitaux, etc. ? Il faut que tous les acteurs de santé soient consultés, car ils ont chacun une vision de la santé et ce n’est qu’en parlant avec l’autre qu’on peut voir les problématiques dans leur entièreté. On a pu constater de belles choses dans les hôpitaux, notamment l’éducation thérapeutique. Ce qui a mené les gens à repenser les soins entre la ville et l’hôpital. Il faut repenser la santé dans sa globalité.  

Lucky Link : Lucky Link facilite la création de partenariats entre les entreprises et les associations patients pour permettre l’éclosion de solutions de santé qui répondent mieux aux besoins des patients. En tant que responsable d’une association de patients, qu’en pensez-vous ?


Alain Olympie : Les laboratoires pharmaceutiques font partis des acteurs de santé et souhaitent apporter une aide aux associations en soutien des projets vers les malades. C’est vrai que nous avons de plus en plus d’interlocuteurs du fait des nombreux traitements en cours dans nos maladies.  Il faut que ces projets soient consensuels et basés sur les besoins des patients, pas des laboratoires. Chacun veut se faire connaître et reconnaître. Le pari de Lucky Link est de réussir à faire des liens entre les acteurs et de faire émerger des nouveaux projets.



"Il faut penser et agir collectif dans le but de lutter contre la maladie et améliorer la vie des patients."



Lucky Link : Un mot pour Lucky Link ?

Alain Olympie : Il ne faut pas que les gens soient catégorisés : tu es soignant ou patient ou encore labo. Il faut penser et agir collectif dans le but de lutter contre la maladie et améliorer la vie des patients. C’est difficile, il faut du temps. Mais cela peut amener à de belles choses. Mais ce n’est pas simple, c’est un vrai boulot. Je préfère ma place que la vôtre c’est sûr. 


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Propos recueillis par Oriane Bismuth, Chloé Robreau, Valentine Sorgues et Laurine Pucel-Bastié.

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Pour en savoir plus sur l’Afa :

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Si cet interview vous a intéressé, voici quelques articles à (re)lire sur notre blog :

  • Au sujet de l’intégration des patients et associations de patients dans le projets de santé

  • Au sujet de l’AFA et des MICI

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